Le monastère Saint-Nicolas est attentif aux besoins des Occidentaux désireux d’accomplir leur vocation monastique au sein de la tradition orthodoxe. C’était le souci premier des fondateurs. On peut être orthodoxe et rester soi-même. L’ouverture indispensable à l’enseignement de la Sainte Église orthodoxe et à son héritage spirituel ne peut se faire au détriment de l’identité humaine et culturelle. Il est important que celui qui veut accéder au cœur même de la tradition orthodoxe puisse également rester ce qu’il est dans sa forme de pensée, sa langue, sa culture, du moment que les acquis qu’il possède par sa naissance et son éducation ne s’opposent pas directement à l’enseignement de la foi et de la tradition.
La tradition orthodoxe est ouverte à tous les peuples et toutes les nations. C'est le sens de sa catholicité, comme référence au «tout» («kath'olon» en grec) qu’est le Christ, souverain créateur de l’univers entier. De même que les langues de feu de l’Esprit Saint se sont partagées entre les Apôtres lors de la Pentecôte, de même que ceux-ci ont dès lors prêché dans toutes les langues, l’Église orthodoxe, comme Église «une, sainte, catholique et apostolique» est ouverte à tous et tous peuvent accéder en elle à la plénitude de l’Esprit Saint, quelle que soit leur origine ethnique et culturelle. Seul importe le désir de chacun de se convertir au Christ et de suivre son enseignement dans la communion de toute l’Église. C’est dans cet esprit que les fondateurs du monastère Saint-Nicolas ont œuvré, afin de faire en sorte que l’enseignement de la tradition monastique orthodoxe et sa liturgie puissent être vécus par des Occidentaux sans remettre en question leur identité profonde.
C’est pourquoi, parallèlement aux règles des Pères de l’Église comme saint Basile ou saint Théodore Studite, le Monastère Saint-Nicolas a été placé sous l’autorité de la Règle de saint Benoît. Celui-ci avait lui-même opéré une synthèse entre la tradition monastique occidentale et l’enseignement des Pères d’Orient transmis par saint Cassien. Lue dans l’optique et le contexte de la tradition orthodoxe, la Règle de saint Benoît offre un exemple d’équilibre, de modération, de sobriété dans la recherche de la paix intérieure qui s’accordent particulièrement bien avec la spiritualité orthodoxe, notamment l’hésychasme.
Le monastère Saint-Nicolas vit donc sous un régime cénobitique, c’est-à-dire communautaire, dans l’esprit de saint Benoît. Les moines ne possèdent rien en propre et s’en remettent en tout au Père Abbé. Le Père Abbé organise la vie communautaire de manière à offrir à chacun un cadre propice à l’accomplissement de sa vocation monastique. Il est le premier responsable du devenir spirituel des âmes qui viennent se placer sous son autorité, dans l’obéissance. Il peut cependant être appuyé dans cette tâche par un Père spirituel qui va aider personnellement chaque moine en recevant sa confession et en lui donnant des conseils particuliers au sein du cadre général établi par l’Abbé. Les deux rôles de l’Abbé et du Père Spirituel sont complémentaires et doivent impérativement s’harmoniser, faute de quoi aucun des deux ne peut accomplir sa tâche.
Les conditions de vie dans le monde où s’est implanté le monastère nécessitent de la part des moines d’être indépendants, au moins en partie, sur le plan financier. C’est pourquoi les moines doivent assumer leur part du travail commun, selon, bien-sûr, les capacités de chacun. Saint Benoît écrivait: «Il sera vraiment moine celui qui gagnera son pain par le travail de ses mains».
Cette nécessité est vécue par les moines comme un appel de Dieu à une forme d’ascèse plus ancrée dans la matière. Face à un monde où il est très facile de vivre hors des réalités concrètes, en raison notamment du rôle de plus en plus invasif du virtuel, cette forme d’ascèse s’est révélée particulièrement bénéfique pour des occidentaux et demeure pour eux une source d’équilibre et de sanctification inappréciable si elle est vécue avec humilité dans le silence et l’obéissance, mais aussi dans la confiance envers le soutien de l'autorité monastique et de la communauté. A charge pour l'autorité de veiller à modérer toutes choses pour que les moines trouvent un équilibre entre la nécessité de subvenir aux besoins communs et les autres activités fondamentales de la vie monastique, la prière et la lecture.
Se rapprochant ainsi de l’exemple des Pères du désert qui alternaient la prière vocale et le travail manuel tout en pratiquant en permanence la garde du cœur, les moines de la Dalmerie peuvent vivre leur travail manuel dans le silence et la prière du cœur en alternance avec la prière liturgique de l’office monastique.
Les moines ont chacun une cellule individuelle où ils accomplissent leur règle de prière et de lecture personnelle. Ce que l’on nomme le «temps de cellule» est très important dans l’ascèse du moine puisqu’il lui donne l’occasion d’approfondir par la prière personnelle, la méditation silencieuse et la lecture, tout ce qu’il aura pu vivre hors de sa cellule à l’église ou au travail, en contact avec les autres. Ce temps de solitude silencieuse lui permet également d’accomplir sa vocation monastique, le moine étant un homme appelé à se consacrer totalement à Dieu dans une certaine solitude intérieure, même si la vie communautaire demeure fondamentale pour lui. La vie communautaire est un moyen particulièrement puissant pour le moine de se détacher de lui-même et de son égoïsme par l’exercice du service mutuel dans la charité. Un des plus grands dangers qui puissent guetter le moine est l’illusion qu’il pourrait se faire sur lui-même et sur son degré d’avancement spirituel. Le contact permanent avec ses frères lui donne l’occasion de se situer à sa place véritable et de pratiquer le renoncement par lequel il devient véritablement disciple du Christ.